Pierre de Saint Maur

Regarder vivre

Le paysage, ce genre qui exige un regard sensible et pénétrant sur la nature et notre environnement, qu’ils soient agrestes, silvestres ou urbains ; un genre qui ne s'accommode guère des extravagances gratuites ou de l'anarchie de l'imagination ; un genre aussi que le bon goût n'indispose pas.

Si vous aimez les nuances indécises, les camaïeux miroitants, nacrés ou feutrés, l'élégance et la rigueur des lignes, le modelé ferme mais doux des reliefs, si vous souhaitez retrouver à travers une perception pourtant très personnelle l'authenticité immuable de la nature qui nous est si chère, vous rêverez devant les œuvres de Pierre de Saint Maur.

Et vous rêverez de vous ouvrir (vous offrir) une fenêtre intime sur la beauté immémoriale des ciels d'avant l'orage, des collines sous le vent, des champs en jachère ou en culture, des crépuscules tièdes et des soleils hésitants.

Pour Pierre de Saint Maur, nul n'a été besoin de courir aux quatre coins du monde ou de faire jaillir son inspiration au contact des climats extrêmes. La nature que peint pour nous l'artiste avec une agilité et une désinvolture surprenante, est celle du Morvan. Un Morvan aussi émouvant qu'il est prosaïque, aussi envoûtant qu'il est dénué d'artifices. Un Morvan reconnaissable et familier, porteur pourtant, par la grâce pudique du pinceau de Pierre, de tout le charme secret et de toute l'intensité poétique des paysages du monde entier.

Est-ce le même Pierre de Saint-Maur qui modèle cette humoristique palestre d'enfançons de bronze patiné, dont les prouesses gymniques ne peuvent manquer de nous enchanter ? Leur aisance et leur assurance gracieuses en sont la preuve irréfutable. Pierre de Saint Maur est un sculpteur aussi doué et raffiné que le peintre. Pliant, contorsionnant et déformant leurs membres élastiques, cambrant leur torse avec la plasticité insolente qui est l'apanage du très jeune âge, ces putti espiègles et protéiformes narguent les impotents que nous finissons par devenir, roidis et calcifiés par les ans. Et, tout en se livrant aux facéties que leur autorise leur morphologie de caoutchouc, ils ne laissent pas de nous ensorceler par leur innocente malice. Pas plus que leur corps, leur âme ne s'est sclérosée ou ankylosée sous l'effet du temps. Puissent ces petits dieux nous ramener à la candeur de l'âge tendre.

Ai-je besoin de poursuivre ce dithyrambe, dont vous ne manqueriez pas de condamner le lyrisme ? Je n'ajouterai donc qu'une chose ; préparez-vous à l'étonnement, au choc et tâchez de disposer d'assez de temps pour vous laisser subjuguer par l’esthétique subtile de cette œuvre radieuse, poignante et insolite.

Philippe-Georges RICHARD

Commissaire d’exposition